Mise à jour de fin d’année 2019

Tout au long de l’année, nous demandons à des gestionnaires d’obligations et de devises de premier plan de se pencher sur les valorisations, les attentes et les perspectives pour les mois à venir.

Dans le cadre de cette dernière étude, nous avons interrogé 52 gestionnaires pour connaître leur avis. Les gestionnaires axés sur les taux d’intérêt ont absorbé deux baisses de taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine (Fed) au troisième trimestre et s’attendent même à en subir deux autres, ce qui correspond globalement à ce que le marché intègre actuellement. Pendant ce temps, les gestionnaires axés sur le crédit se montrent plus prudents dans un contexte où la crainte d’un ralentissement mondial a fait place à la crainte d’une possible récession aux États-Unis.

D’une part, nous avons une Fed qui cherche à faire des ajustements préventifs, et d’autre part, nous avons des gestionnaires axés sur le crédit qui craignent maintenant que ces ajustements soient insuffisants. Par ailleurs, on s’attend à un léger élargissement des écarts de crédit. C’est pourquoi cette étude se penche sur la question suivante : Les marchés sont-ils sur la même longueur d’onde que la Fed en ce qui concerne son approche d’ajustement de milieu de cycle?

Un ajustement de milieu de cycle ?

Cette année, nous avons été confrontés aux ramifications d’une guerre commerciale complexe entre les États-Unis et la Chine, aux incertitudes liées au Brexit et à la détérioration des données économiques mondiales, plus particulièrement avec l’affaiblissement des indices des directeurs d’achat du secteur manufacturier1. Toutefois, l’inflation est restée relativement stable. Cette toile de fond est devenue le champ de bataille auquel les banques centrales des économies développées ont été confrontées. La Fed tente de remédier à cette situation en recourant à une approche d’ajustement de milieu de cycle qui consiste à réduire les taux d’intérêt à titre préventif afin de garantir la sécurité et la solidité des marchés nationaux. Il convient de rappeler que le seuil historique de l’ajustement de milieu de cycle au cours des derniers cycles (1995/1998) correspondait à une réduction de 75 points de base, et que si la Fed réduit les taux en octobre, cette limite sera atteinte.

À quel point les marchés sont-ils inquiets ?

Points de vue des gestionnaires axés sur les taux d’intérêt

  • Les gestionnaires s’attendent en moyenne à deux autres réductions des taux d’intérêt de la part de la Fed au cours des 12 prochains mois (dont une réduction au quatrième trimestre). Aucun des gestionnaires ne s’attend à une hausse au cours des 12 prochains mois et une petite partie des gestionnaires seulement s’attend à une hausse dans les 12 mois suivants.
  • Parallèlement, 70 % des gestionnaires pensent également que nous avons vu le pic du taux des fonds fédéraux2 pendant ce cycle.
  • Ils ont également fait part de préoccupations modestes, voire inexistantes, au chapitre de l’inflation pour les 12 prochains mois. Toutefois, il convient de mentionner la trajectoire ascendante de l’inflation des salaires qui peut avoir eu un effet significatif sur les chiffres de l’inflation de base, obligeant potentiellement la Fed à durcir sa politique monétaire plutôt qu’à l’assouplir. 68 % des gestionnaires se sont encore montrés plus convaincus d’une accentuation de la courbe des taux d’intérêt. Il y a un an seulement, 59 % des gestionnaires s’attendaient à une courbe de rendement aplatie. Une courbe plus raide est logique compte tenu de leurs attentes concernant le rendement de l’obligation du Trésor américain à 10 ans et de l’anticipation de deux autres baisses de taux d’intérêt de la Fed.

Opinions des gestionnaires axés sur le crédit

  • Au sein de l’espace du crédit mondial à effet de levier, les gestionnaires ont modifié leurs perspectives concernant les écarts de taux au cours des 12 prochains mois, passant d’une fourchette limitée au deuxième trimestre à un élargissement modéré de 10 à 30 points de base au troisième trimestre. La plupart d’entre eux pensent également que les fondamentaux des entreprises se détériorent légèrement, soit le plus grand nombre depuis le début de l’étude (68 % au troisième trimestre contre 12 % au deuxième trimestre). Ils ont également ajouté que leur plus grande crainte était que les États-Unis entrent en récession plutôt que la croissance mondiale ralentisse.
  • Dans le segment des crédits mondiaux de qualité, les gestionnaires s’attendent également à un élargissement des écarts de crédit, mais à un degré plus modéré. Il convient également de noter que 58 % des gestionnaires estiment que les écarts de crédit ne compensent pas les risques encourus par les investisseurs, ce qui est le taux le plus élevé jamais enregistré dans le cadre de cette étude. Toutefois, 40 % des gestionnaires pensent en outre que le levier financier des sociétés notées BBB dans l’indice va diminuer3, ce qui est également le taux le plus élevé depuis la création de l’étude. Les titres BBB représentant un pourcentage important des indices d’obligations de qualité, la trajectoire des fondamentaux est un sujet d’actualité.
  • Les gestionnaires font preuve d’un optimisme modéré à l’égard des actifs titrisés et ont augmenté légèrement le risque par rapport au trimestre dernier. Le transfert des risques de crédit reste le secteur le plus favorisé, mais les obligations structurées adossées à des prêts notés BBB ont fait un bond important. Les gestionnaires ont également opté pour des positions longues sur les titres adossés à des créances hypothécaires commerciales.

Risque à l’échelle mondiale

Europe et Royaume-Uni

  • Depuis la dernière étude, les gestionnaires restent moins optimistes en ce qui concerne l’Europe (y compris le Royaume-Uni). Dans le secteur du crédit, l’Europe était auparavant plus populaire, mais les États-Unis ont maintenu leur avance dans le secteur des obligations à rendement élevé et de qualité.
  • Les gestionnaires axés sur les devises ou le change ont également gardé une vision plutôt pessimiste de l’euro, exprimant des inquiétudes quant à la reprise de l’économie européenne.
  • En ce qui concerne la livre sterling, les gestionnaires axés sur le marché des changes estiment que l’incertitude liée au Brexit constitue toujours un facteur déterminant pour la devise. Toutefois, la probabilité d’un Brexit brutal s’étant estompée, l’optimisme est revenu au galop, la livre sterling s’échangeant désormais à près de 1,28 £.

Marchés émergents et Japon

  • Plus de la moitié des gestionnaires axés sur la dette des marchés émergents libellée en devises fortes s’attendent à un resserrement des écarts, la grande majorité d’entre eux prévoyant un resserrement modeste. L’Ukraine est désormais le pays le plus plébiscité, tandis que les Philippines sont tombées en défaveur. Le changement le plus important concerne toutefois l’Argentine, avec une préférence à la surpondération dans près de 40 % des cas au premier trimestre contre 6 % seulement au troisième trimestre.
  • Les taux des créances des marchés émergents libellées en devise locale restent avantageux d’après les gestionnaires, même si le rendement de l’indice GBI–EM en devise locale est à son plus bas4. Cette situation tient en grande partie aux prévisions de baisse de l’inflation. Les prévisions de rendement total pondéré des gestionnaires sont tombées à 5,3 %, soit le taux le plus bas depuis le début de l’étude, ce qui représente probablement le rendement le plus faible enregistré dans l’indice.
  • Les gestionnaires axés sur le change restent neutres à l’égard du yen japonais par rapport au sondage précédent, détenant cette devise soit en position de valeur, soit en position d’aversion au risque.

Conclusion

D’après cette étude, les gestionnaires axés sur le crédit manifestent certains signes de prudence et ne sont peut-être pas totalement convaincus par la trajectoire de la position accommodante de la Fed. Nous pensons qu’ils comprennent qu’avec des écarts serrés, les résultats futurs sont tributaires de l’attitude accommodante de la Fed. Est-ce que cela pourrait être remis en cause s’il s’avérait que les participants à l’étude avaient tort de ne pas s’inquiéter de l’inflation? Bien que les attentes en matière d’inflation soient modérées, des facteurs comme l’élan de l’inflation salariale pourraient pousser l’inflation à la hausse, ce qui pourrait placer la Fed dans une situation plus difficile en raison des pressions structurelles exercées pour maintenir un ton accommodant. Avec très peu de marge d’erreur, nous trouvons intéressant que, même si les gestionnaires axés sur les taux d’intérêt adhèrent à l’idée d’une Fed accommodante, les gestionnaires axés sur le crédit font preuve d’une certaine vigilance.

Ne manquez pas notre rapport de l’Étude sur les titres à revenu fixe de 2019 : une analyse approfondie, qui sera bientôt disponible.

Les opinions exprimées sont celles d’Investissement Russell, ne constituent pas un énoncé de faits, sont susceptibles d’être modifiées et ne constituent pas un conseil en placement.


1Indice des directeurs d’achats, qui indique la direction dominante des conditions économiques dans un secteur
2Taux des fonds fédéraux, soit le taux d’intérêt de référence des prêts à un jour que les banques s’accordent mutuellement. Il est souvent considéré comme un indicateur de la santé de l’économie.
3Les cotes de crédit des sociétés à long terme sont généralement fixées par des agences de notation, comme Standard & Poors et Fitch. L’échelle varie généralement d’un risque très faible (AAA), au haut, jusqu’à un risque très élevé et une défaillance (D), au bas.
4Indice des obligations d’État–Indice des marchés émergents libellé en devise locale