Impact des élections américaines au Canada

Les élections américaines touchent le monde entier et peutêtre encore plus le Canada compte tenu de nos liens économiques étroits. Même s'il reste encore des points à régler, le démocrate Joe Biden a été proclamé président élu. Il se peut néanmoins qu'il se heurte à un Congrès divisé. Les républicains devraient conserver une faible majorité au Sénat, tout dépendant du résultat du second tour des élections en Géorgie en janvier, tandis que les démocrates devraient garder le contrôle de la Chambre des représentants. Un Congrès divisé ou paralysé entraînerait des changements politiques limités en 2021. En ce qui concerne le Canada, nous croyons que l'arrivée au pouvoir de Joe Biden aurait principalement des répercussions sur le commerce, l'énergie et les mesures de relance budgétaire. Nous passerons en revue les implications ci–dessous.

  • Commerce1 – La ratification du nouvel accord commercial nord-américain, l'ACEUM, qui remplace l'ALÉNA, fera en sorte que les tensions commerciales entre les États-Unis et le Canada ne domineront pas le prochain cycle présidentiel. Le commerce est cependant au centre de l'attention. La politique « Achetez américain » visant à relancer le secteur manufacturier américain était un objectif sous le président Donald Trump et devrait le rester sous l'administration de Joe Biden. Cela signifie que le Canada doit continuer à diversifier ses partenaires commerciaux. Des progrès en la matière ont été réalisés, mais il reste beaucoup à faire. Comme le montre le graphique 1, la part des États-Unis dans les exportations canadiennes est tombée à 74 % en 2019, contre un pic de 84 % en 2005. Il n'en reste pas moins que le Canada est extrêmement dépendant des ÉtatsUnis pour ses exportations. Les tensions commerciales pourraient s'estomper. Toutefois, un renforcement de la pénétration des exportations canadiennes en Europe et en Asie est essentiel. 

    Graphique 1: Exportations par région, % du total des exportations canadiennes

    Cliquez sur l'image pour l'agrandir

    Exportations par région, % du total des exportations canadiennes

    Source : Statistique Canada, Investissements Russell. Données annuelles en date de 2019.

  • EnergyLes deux tendances qui bouleversent le secteur énergétique canadien sont l'adoption des énergies renouvelables et la montée en puissance des États-Unis en tant que producteur de pétrole. En dépit de ces tendances, la dépendance des États-Unis envers le brut canadien importé n'a pas diminué. Voir le graphique 2. Malgré l'effondrement de la demande en raison des fermetures liées à la COVID et le ralentissement de l'activité économique qui s'en est suivi, la production américaine a augmenté de pair avec les importations de brut canadien. Il convient toutefois de noter que le Canada (et le Mexique) a profité de la disparition du brut lourd fourni par le Venezuela aux raffineries américaines de la côte du Golfe du Mexique. Néanmoins, la demande soutenue est rassurante, étant donné que 98 % des exportations canadiennes de pétrole brut sont destinées aux États-Unis. Néanmoins, des préoccupations subsistent dans l'immédiat et à plus long terme :

    • Le sort du pipeline Keystone XL est toujours indéterminé. Le président élu Joe Biden a menacé de revenir en arrière sur l'approbation du projet délicat par le président Donald Trump. Le pipeline achevé est considéré comme un conduit essentiel pour acheminer le brut canadien enclavé vers les raffineries américaines.
    • La tendance au développement des énergies renouvelables et des véhicules électroniques est une tendance structurelle qui pourrait s'accélérer sous la présidence de Joe Biden.
  • Par son degré d'ouverture à l'égard du secteur de l'énergie, le président Trump a renforcé l'attrait des États-Unis par rapport au Canada en tant que destination pour les investissements dans le secteur de l'énergie. La décision d'Encana (aujourd'hui Ovintiv) de déménager son siège de l'Alberta au Colorado illustre bien ce point de vue. Paradoxalement, un nouvel environnement politique aux États-Unis qui pourrait être plus hostile aux émetteurs de carbone pourrait changer le sentiment à l'égard du Canada en tant que destination des investissements énergétiques. Au minimum, cela pourrait forcer les sociétés énergétiques canadiennes à revoir leurs plans d'investissement aux États-Unis en faveur du Canada.

          Graphique 2: Importations américaines de pétrole brut canadien par rapport à la production américaine de pétrole brut

          Cliquez sur l'image pour l'agrandir

         Importations américaines de pétrole brut canadien par rapport à la production américaine de pétrole brut

    Source : US EIA, Investissements Russell. Données en date d'août 2020. Données sur le pétrole en milliers de barils par jour.

  • Measures de relance Si la relance budgétaire aux États-Unis stimule l'économie canadienne, ses effets nets pourraient ne pas être aussi importants que les manchettes le clament. D'après les estimations de Capital Economics2, des mesures de relance budgétaire faisant augmenter le PIB (produit intérieur brut) des États-Unis de 1 % pourraient entraîner une hausse plus modeste du PIB du Canada de 0,1 %. En d'autres termes, la relance américaine n'aura de conséquences au nord de la frontière que si elle est considérable. La balance penchant en faveur d'un Congrès paralysé, la probabilité qu'une relance budgétaire notable stimule la croissance américaine a reculé, ce qui limite les effets probables sur l'économie canadienne. Il incombe alors au gouvernement canadien d'apporter le soutien budgétaire nécessaire à l'économie.
     

Il paraît évident que le retentissement de l'arrivée au pouvoir de Joe Biden sur le Canada n'est pas simple. À tout le moins, la relation entre M. Biden et M. Trudeau devrait être moins houleuse, étant donné que les deux hommes ont tissé des liens sous l'administration Obama, alors que le président élu Joe Biden était vice-président. En fin de compte, l'aspect qui pourrait avoir le plus d'impact est la manière dont le Canada pourra adapter, intégrer et améliorer la compétitivité dans un monde en mutation.

Répercussions sur les marchés

Comme on s'attend à ce que le Congrès soit paralysé, il est peu probable que des changements politiques majeurs interviennent. Comme nous venons de le voir, les répercussions nettes d'une nouvelle administration à la Maison Blanche sont nuancées pour le Canada. La trajectoire des marchés dépendra alors du cycle économique. Nous pensons que l'économie mondiale se trouve aux premiers stades d'une reprise économique et qu'elle bénéficie d'un soutien exceptionnel de la part des décideurs politiques mondiaux. Bien que le virus reste la plus grande menace pour la reprise, les bonnes nouvelles de Pfizer le 9 novembre 2020 et de Moderna le 16 novembre 2020 en matière de vaccins sont encourageantes. Les marchés boursiers ont atteint un creux le 23 mars 2020, les titres favorisés par la pandémie ayant bien tiré leur épingle du jeu, en particulier les sociétés technologiques à grande capitalisation. Nous croyons que la poursuite de la reprise entraînera un mouvement de hausse des titres favorisés par la réouverture sur les marchés. Plus la mobilité sera grande, plus l'activité économique sera intense, ce qui favorisera probablement le facteur valeur et les secteurs cycliques. La hausse de la croissance mondiale devrait également profiter aux marchés internationaux.

Une perspective procyclique appuie également la thèse d'un dollar canadien fort. Une monnaie forte améliore le pouvoir d'achat des entreprises et des ménages canadiens, mais elle peut aussi nuire à la compétitivité des exportations canadiennes. La Banque du Canada en aura bien conscience. Un taux de change CAD/USD trop restrictif incitera probablement la Banque du Canada à agir. Il est évident que les perspectives dépendront de la politique budgétaire et monétaire .

Les élections étaient susceptibles de déclencher de la volatilité. Maintenant que cette étape est derrière nous, nos yeux sont tournés vers la reprise du cycle économique, qui en est à ses débuts, phase qui soutient généralement les marchés financiers. 


ACEUM = Accord Canada–États–Unis–Mexique, ALÉNA = Accord de libre–échange nord–américain
Capital Economics, Canada Economics Update, 27 octobre 2020.